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Dire à quelqu’un en surpoids de « manger moins », de faire un régime « perte de poids », c’est comme dire à un dépressif de « penser positif ». C’est sans doute plein de bonnes intentions, mais cela ne sert à rien.

Regardez ce qui arrive à des hommes en pleine santé lorsqu’on leur impose de manger moitié moins pendant 6 mois.

C’est une expérience scientifique ahurissante réalisée aux États-Unis en 1944 . L’objectif était de préparer l’après-guerre : les Américains se demandaient à quel rythme les populations européennes pourraient se ré-alimenter, après toutes ces années de famine et de privation. [1]

Sous la houlette du Dr Ancel Keys, ils ont donc sélectionné 36 hommes volontaires, avides de se rendre utiles et prêts à beaucoup de sacrifices.

Le régime qui rend fou

Pendant 6 mois, ils ont reçu des rations de 1 600 calories, soit la moitié de leurs besoins normaux. Les repas étaient constitués essentiellement de glucides (pain, patates, rutabaga) et de rares morceaux de viande.

Naturellement, avec une restriction aussi drastique, la perte de poids a été immédiate : ils ont tous perdu au moins 3 à 4 kilos par mois.

Mais que croyez-vous qu’il arriva ?

• D’abord, la fatigue : ces hommes dans la force de l’âge se sont rapidement sentis léthargiques, apathiques. La libido dans les chaussettes.

• Puis, le moral en berne. Dépression légère, irritabilité, sautes d’humeur : au bout de quelques mois, ces hommes ne se reconnaissaient plus.

• Enfin, c’est leur santé mentale qui a été atteinte. La nourriture devint pour eux une obsession. Elle occupait toutes leurs conversations, nuits et jours. Deux participants ont même dû séjourner plusieurs fois au pavillon psychiatrique de l’hôpital !

Lorsqu’ils purent enfin se réalimenter normalement, ils se sont rués sur la nourriture. Ils faisaient des repas de 5 000 calories en moyenne. Il leur arrivait de dépasser les 10 000 calories en une seule journée !

Pendant des mois, ils ont ressenti une sensation de faim quasi-permanente, quoi qu’ils mangent. Certains ont raconté qu’ils ont été hantés pendant des années par la peur qu’on les prive à nouveau de nourriture.

Évidemment, tous ont rapidement regagné leur poids initial… et beaucoup ont gagné plusieurs kilos au passage.

Cela vous rappelle quelque chose ?

Ne vous trompez pas d’objectif !

C’est exactement la même chose qui se passe dans 9 cas sur 10 lorsqu’on entame un « régime » : le poids perdu est regagné au bout d’un an , souvent avec un petit « supplément ». [2] [3]

Attention, je ne suis pas en train de dire qu’il n’est pas bon de maigrir, bien au contraire.

L’obésité nuit gravement à la santé. C’est mécanique : elle aggrave l’arthrose du genou (le poids excessif pèse sur les articulations), l’apnée du sommeil (les tissus de la gorge se distendent et rétrécissent les voies respiratoires) ou le reflux gastro-œsophagien (la « bedaine » compresse l’estomac).

De façon plus pernicieuse, le surplus de graisse au niveau du ventre nourrit l’inflammation générale de l’organisme et augmente ainsi le risque de souffrir d’hypertension, de diabète, de cancer et de maladies cardiaques.

Éliminer le surpoids est donc une excellente chose. Mais comme vous allez le comprendre, le meilleur moyen d’y parvenir n’est pas de commencer par réduire les calories, et encore moins d’éliminer les graisses et les protéines (comme dans l’expérience du Dr Keys).

Avec ce genre de régime, vous obtenez la souffrance, l’échec… et trop souvent, la mise en danger de votre santé !

Cancer, ostéoporose : ce qui arrive en cas de « yo-yo »

Plus un régime vous promet une perte de poids rapide, plus vous devez vous en méfier.

Non pas qu’il soit impossible de perdre 10 kilos en un mois. Mais ce que vous voulez vraiment, c’est perdre du gras, pas perdre du poids. Et ce n’est pas du tout la même chose !

Pour perdre un kilo de graisse corporelle, il faut brûler environ 8 000 calories, soit environ 4 fois notre consommation quotidienne normale (entre 1800 et 2500 calories par jour). Faites le calcul : pour perdre 10 kilos de graisse, il faudrait s’arrêter purement et simplement de manger pendant pas moins de … 40 jours !

Si votre balance affiche une perte de poids rapide, cela ne devrait donc pas vous réjouir… mais plutôt vous alarmer ! Car vous n’êtes pas seulement en train de perdre du gras : vous êtes forcément en train de perdre de l’os et du muscle !

En fragilisant vos os, vous vous exposez au risque de fracture. Mais en perdant du muscle, c’est bien pire : c’est votre espérance de vie qui en prend un coup !

Car la musculature est le carburant vital de votre système immunitaire. Pour vous protéger des microbes, vos cellules immunitaires ont besoin de protéines, et le meilleur endroit s’en procurer est… votre tissu musculaire.

Si vous perdez du poids de façon répétée et inconsidérée, vous risquez donc de perdre du muscle durablement, ce qui vous rend plus vulnérable aux infections… et au cancer.

Et comme si cela ne suffisait pas, perdre du muscle est aussi le meilleur moyen de saboter l’efficacité de votre régime.

Car les muscles ont l’avantage de brûler beaucoup d’énergie. Plus vous êtes musclé, plus vous pouvez avaler de calories sans prendre de poids.

A l’inverse, si vous perdez du muscle pendant votre régime, et si vous avez le malheur de vous remettre à manger « comme avant », alors vous êtes certain de regagner rapidement votre poids perdu ET de vous retrouver avec plus de graisse qu’avant !

Et ce n’est pas le seul effet pervers des régimes irréfléchis :

Ce stress qui vous met au supplice de Tantale

Réduire la quantité d’aliments avalés est un stress pour l’organisme. [4]

Au départ, votre organisme sait comment se défendre : en cas de stress, il produit davantage de cortisol, une hormone qui vous donne un coup de fouet.

Mais ce stress complique votre objectif de maigrir !

Car la hausse du cortisol augmente mécaniquement votre sensation de faim et votre appétit. Votre organisme vous réclame davantage de nourriture pour « récupérer » du stress !

Les pics de cortisol vous donnent envie de vous jeter sur des aliments de « consolation », malsains et ultra-caloriques comme les frites, les bonbons ou les glaces.

Vous êtes soumis au supplice de la tentation… au moment même où vous cherchez à éviter les calories !

De plus, si ce stress devient répété, chronique, vous finissez par manquer de cortisol. Résultat : votre énergie et votre moral sont à plat. Vous êtes plus vulnérable à l’inflammation. Non seulement vous n’aurez pas maigri. Mais vous serez plus malheureux, et en moins bonne santé.

N’en demandez pas trop à votre « volonté »

Même avec la meilleure volonté, il est impossible de « manger moins » si toutes les cellules de votre corps ont décidé de vous en empêcher.

C’est pourquoi la bonne stratégie est la suivante :

Ne cherchez pas d’abord à réduire les calories : commencez par remplacer les mauvaises (fructose, céréales raffinées, huiles végétales industrielles) par les bonnes. Et ne vous focalisez pas uniquement sur la nourriture : maigrir implique aussi de gérer votre stress, de dormir suffisamment et de vous protéger des polluants.

Je reviendrai en détail sur ces derniers points dans une prochaine lettre. Et vous verrez : perdre du poids est d’abord la conséquence naturelle d’une vie plus saine et plus belle… et non le résultat d’une torture que vous n’avez certainement pas méritée !

PS : cette lettre fait-elle écho à votre expérience ? N’hésitez pas à me faire part de vos éventuelles expériences des « régimes » ou de la perte de poids en commentaire de cet article.

Sources :

[1] They Starved So That Others Be Better Fed: Remembering Ancel Keys and the Minnesota Experiment, Leah M. Kalm and Richard D. Semba, The Journal of Nutrition

[2] Long-term efficacy of dietary treatment of obesity: a systematic review of studies published between 1931 and 1999, C. Ayyad and T. Andersen, Obesity Reviews

[3] Dieting and restrained eating as prospective predictors of weight gain, Michael R. Lowe et al, Front Psychol. 2013

[4] Low calorie dieting increases cortisol, Tomiyama AJ, Psychosom Med. 2010 May

[5] Stress may add bite to appetite in women: a laboratory study of stress-induced cortisol and eating behavior, Elissa Epel, The Official Journal of ISPNE

113 commentaires

  • La perte de poids est une initiative sérieuse. Je pense qu’en changeant de mentalité et en ayant comme objectif d”être au top de sa forme” plutôt que de ”perdre du poids”, ça peut nous aider à ne pas tomber dans certains pièges. On n’est pas supposé souffrir et s’affamer pour perdre du poids. On est supposé se sentir mieux, plus énergétique et léger quand on apporte des changements à notre alimentation. Et la perte de poids vient comme ‘bonus’ ou comme une autre conséquence parmis d’autres. Trop souvent, en tant que nutritionniste ici à Montréal, je vois des gens ne pas respecter leur corps, leurs besoins, mal dormir, rester affamé pour perdre du poids… Tant aussi longtemps que l’on voit le corps comme un ennemi contre lequel il faut se battre et contrôler plutot qu’un partenaire qu’il faut respecter : on aura des problèmes sur le long terme. Sur ce, bon courage à tous avec vos initiatives santé. 🙂
    Sofia Abdelkafi Dt.P

  • SYLVIE BILHAUT dit :

    Bonjour. Je suis désolée mais vos articles sont déprimants et surtout d’une longueur impossible à terminer. Je rejoins une personne qui vous a écrit en vous demandant de nous citer ce qui n’est pas toxique à la santé et en faisant court. Cordialement

  • Catherine Bonnet Coince dit :

    Pertinent et intelligent comme tous vos articles.
    Les régimes font partie de notre environnement de gré ou de force ! Que ne nous apprend-t-on à nous accepter tels que nous sommes et surtout à déterminer notre poids de forme plutôt que de nous culpabiliser sans cesse ! Rondeurs ne signifient pas forcément dangers.
    De la mesure et du discernement, merci M Bazin

  • Sandrine dit :

    Bonjour,

    En lisant votre lettre j’ai relu tout mon parcours.
    J’ai fait mon premier régime à un poids de 77 kilos.
    Quinze après, avec une succession de régimes divers je suis arrivée à 112 kilos.
    J’ai repris il y a 8 mois une alimentation basée uniquement sur l’écoute de mes sensations alimentaires (faim, satiété, envie de manger émotionnelle) et le choix de bons produits bios et de saison, plus trois heures de sport par semaine et je suis arrivée à 103 kilos (en 9 mois), en mangeant de tout, sans torture, sans tabous, sans supplice.
    Donc oui comme vous le dite : stop à la torture des régimes.

  • couteperoumal edouard dit :

    Bonjour,
    Article très intéressant. J’ai 65 ans et je deviens un peu plus sédentaire que d’ordinaire. Assis au bureau puis le soir devant la tv, je dors très peu. Difficile d’avoir une alimentation correcte et suivi. C’est décidé, je me remets à la remise en forme. J’ai pratiqué Qi Gong et Taï Ji et j’attaque le viet vo dao. Ma question: comment gérer les calories à brûler ? ex: combien faut t-il de temps à faire du vélo en salle pour éliminer x calories; combien faut t-il de temps à faire du tapis roulant en salle, de la marche à pied etc…. je fume occasionnellement et mon médecin dit que j’ai un cœur de 20 ans. Bravo pour ce que vous faites.
    Merci de vos conseils. Très cordialement.

  • Judith dit :

    Bonjour, et merci pour toutes ces explications sur le fonctio de notre corps, et le régime.
    J’en ai fait,des régimes, certains imposés par des médecins, d’autres que j’ai fait seule.
    Chaque régime que j’ai fais, m’ont fait perdre beaucoup au début, puis plus rien, et ensuite bim! Je craque,je suis épuisée, sommeil casi nul, plus d’énergie. Alors je dévorais tout ce que je pouvais résultats, – 10kg + 15kg j’en suis arrivé à monter jusqu’à 130 kg, et à chaque fois j’entendais,que je n’avais aucune volonté…:-(
    Et puis un jour, j’ai décidé de réfléchir à mon assiette, et a comprendre ce que je devais mettre dedans, et surtout bouger, avec mon surpoids pas facile d’entamer un sport, j’ai choisi la Marche, en augmentant Petit à petit les km, je me suis aperçu, en comprenant d’avantage mon organisme que j’avais rarement faim, que je me mettais à table parce que il fallait se mettre à table, qu’on avait apprise, à finir mon assiette, et que même si je n’avais pas faim je devais me forcer. Seulement voilà, pourquoi manger quand mon corps ne veut rien? Et j’ai trouvé une meilleure façon de m’alimenter, un petit déj Riche en protéines, des produits de Saison, et de qualités. Des assiettes plus petite mais variées, pour le visuell. Plus de 0% ou alléger plus de sucre. Aujourd’hui – 40kg sans régime, sans fatigue, j’en ai encore à perdre environ 20kg sans prise de tête, j’écoute d’avantage mon corps, j’ai repris la marche, je suis passé de la T58 à la T46. En 8 ans pas en quelques mois.

  • sylvie dit :

    bonjour,
    c’est exactement ce que j’ai vécu…. tout le déroulé de cette lettre… a été la photocopie de ma vie.
    Aujourd’hui, je suis une épave….

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