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La « médecine » du Moyen-Age a tendance à nous faire rigoler – ou à nous dégoûter –, avec ses remèdes bizarres, à base d’yeux d’écrevisses ou de dent de sanglier. [1]

Pourtant, c’était aussi une époque où l’on savait parfaitement employer certaines plantes médicinales : la guimauve contre les piqûres d’abeille, l’achillée millefeuille et le cumin contre les brûlures, l’aigremoine contre les blessures, le plantain contre les affections des yeux, etc.

Mais ce que vous devez savoir, c’est que même les « remèdes de sorcière » les plus étranges pouvaient avoir de réelles vertus.

La bave d’escargot… ça marche

L’exemple le plus connu est la bave d’escargot. Vantée depuis Hippocrate pour sa capacité à guérir les hernies, elle a été étudiée avec le plus grand sérieux par les pharmaciens et scientifiques dès le XIXème siècle.

Et figurez-vous qu’ils ont découvert qu’elle possédait d’authentiques vertus fluidifiantes pour les voies respiratoires… si bien qu’un antitussif à base de bave d’escargot, l’Hélicidine, a été mis sur le marché en 1957, et peut être encore acheté pharmacie aujourd’hui !

Mais cela reste anecdotique à côté du fabuleux pouvoir d’une potion du Xème siècle.

La bile de vache plus efficace que les antibiotiques !

C’est une découverte qui a fait la Une des médias en 2015 : une chercheuse de l’Université de Nottingham a découvert dans un grimoire vieux de mille ans une recette plus puissante que les antibiotiques pour détruire le terrible staphylocoque doré (MRSA) !

C’est un progrès d’autant plus spectaculaire que le MRSA est le cauchemar des chirurgiens : en cas d’opération, cette bactérie peut être mortelle.

Mais d’après les recherches en laboratoire effectuées par le Dr Freya Harrison, 99,9 % de ces bactéries sont détruites par cette potion moyenâgeuse !

Et le plus étonnant, c’est que personne ne sait pourquoi ni comment cela fonctionne ! Voyez plutôt la recette : il suffit de mélanger de l’ail, du poireau, du vin et de la bile de vache, puis laisser reposer la mixture pendant 9 jours.

Croyez-le ou non, si vous ne suivez pas scrupuleusement ces indications, il ne se passe rien ! S’il manque un ingrédient, ou si vous n’attendez pas suffisamment avant de les appliquer, la potion n’a aucune efficacité.

Un mystère qui fait penser à celui du curare, ce poison utilisé par les chasseurs amazoniens pour paralyser leur proie… et utilisé depuis 50 ans par la médecine occidentale pour réaliser des anesthésies.

Pour obtenir du curare, il faut faire cuire plusieurs plantes ensemble pendant un nombre de jour très précis. Et selon l’anthropologue Jérémy Narby, « il y avait une chance sur 6,4 milliards que l’on trouve cette recette par hasard ou par tâtonnement, sachant qu’il existe plus de 80 000 espèces de plantes dans la forêt ». [2]

Voyez à quel point nous avons encore des choses à apprendre des médecines traditionnelles !

Mais la supériorité de certains remèdes médiévaux est liée à d’autres raisons, beaucoup plus troublantes pour la médecine occidentale.

Non, il ne faut pas casser la fièvre !

Prenez cette « prescription » étonnante en cas de fièvre, tout droit venue du Moyen-Age :

« Porter en amulette un os de mort ;
Enfermer dans un sachet une grenouille verte et l’attacher au cou du malade ;
S’entortiller le bras ou le cou avec les ourlets d’un linceul ;
Boire trois fois de l’eau puisée à trois puits différents et mêlée dans un pot neuf ;
Passer entre la croix et la bannière de la paroisse pendant une procession. »

Croyez-le ou non, c’était un « remède » plutôt efficace pour guérir.
D’abord parce qu’il a l’immense mérite de ne pas « casser » la fièvre, comme le font les médicaments d’aujourd’hui.

C’est une grave erreur de notre temps que de chercher à tout prix à faire baisser la fièvre, alors que c’est un processus naturel visant à nous faire guérir ! Notre corps augmente sa température pour mieux tuer les virus, ceux-ci ne résistant pas à une chaleur trop élevée.

Jusqu’à 39,5, il est donc totalement contre-productif de prendre de l’aspirine ou du paracétamol pour faire baisser la fièvre… cela ne fait que retarder la « mort » du virus et prolonger la maladie !

Or la fièvre n’est malheureusement pas le seul cas où la médecine conventionnelle fait « pire que le mal lui-même » en interférant avec la marche naturelle de notre corps.

Les antitussifs sont un autre bon exemple. Si notre corps nous fait tousser, ce n’est pas pour nous « embêter », mais pour rejeter à l’extérieur les germes qui sont en train de nous attaquer. Si vous interférez avec la toux naturelle, vous risquez donc de vous retrouver avec une maladie pulmonaire, beaucoup plus grave que votre simple « toux » du départ !

Voilà pourquoi, contre la toux, il est préférable de « cracher dans la gueule d’une grenouille vivante » (remède authentique du Moyen-Age ) plutôt que de prendre un médicament inutile et dangereux. [3]

Mais il y a encore plus fort : la force des remèdes de sorcières est qu’ils déclenchent un effet placebo massif, avec des effets thérapeutiques considérables à la clé.

Révélation : l’ingrédient le plus efficace de vos médicaments

Depuis quelques années, « l’effet placebo » suscite la passion des scientifiques.

Vous connaissez le principe du placebo : lorsqu’on donne à quelqu’une gélule présentée comme un remède, son état va généralement connaître une amélioration, même s’il n’y a que de l’eau dans la gélule.

Longtemps, cet « effet placebo » a été perçu comme une forme d’imposture, un effet psychologique anti-scientifique qu’il faudrait ignorer.

Mais on est en train de réaliser que l’effet placebo n’est pas que dans la tête : il a aussi des effets physiologiques.

Par exemple, un placebo contre la douleur déclenche naturellement des hormones endorphines, qui ont le même impact physiologique que la morphine… sans les effets secondaires.

Cet effet peut être si puissant que des chercheurs ont montré que pour certains médicaments, l’essentiel de l’effet qu’ils produisent est purement « placebo ».

C’est particulièrement le cas des anti-dépresseurs et des anti-douleurs. Pour les anti-dépresseurs, plusieurs études scientifiques récentes publiés dans le JAMA et le Lancet ont montré qu’ils n’avaient généralement pas plus d’effet qu’un placebo. [4]

Quant aux médicaments anti-douleurs, ceux récemment testés dans des essais cliniques américains ont seulement 9 % d’efficacité de plus que les placebos . Cela veut dire que vous obtenez environ 90 % de votre soulagement par l’effet placebo, et 10 % par la pilule chimique ! [5]

Et le lien avec les remèdes du Moyen-Age, c’est que l’effet placebo est d’autant plus puissant que le faux remède frappe votre imagination.

Plus le traitement est « spectaculaire », plus il est efficace !

On aurait pu s’en douter, mais les chercheurs l’ont prouvé à travers toute une série d’études stupéfiantes. [6]

Figurez-vous que les grosses pilules placebo marchent mieux que des petites. Les pilules placebo colorées ont davantage d’effet thérapeutique que les pilules blanches.

Plus on donne au patient l’impression qu’on est en train de lui donner un puissant remède, plus l’effet est important. Une opération chirurgicale placebo a de meilleurs résultats qu’une injection placebo, qui elle-même a un impact supérieur à la simple ingestion de pilules.

Vous voyez où je veux en venir…

A ce jeu-là, les remèdes médiévaux sont imbattables !

Non seulement ils comportaient souvent des listes interminables d’ingrédients (impressionnants en soi !)… mais ces « ingrédients » frappaient d’autant plus les esprits qu’ils incluaient… de la « fiente de lézard », des « couillons de jeunes coq » ou de la « cervelle de passereaux ». [7]

Toutes les mixtures de l’époque n’étaient probablement pas inoffensives, reconnaissons-le. Mais il est certain que celles qui étaient sans danger contribuaient à la guérison… ou au minimum au soulagement du malade, grâce au fameux effet placebo.

Et quand il s’agissait de « pratiques », on pouvait être sûr qu’elles ne pouvaient pas faire de mal.

Religion, mort, sexe et excréments, les tabous suprêmes (et efficaces)

Contre le mal de dent, par exemple, il était recommandé de les toucher avec « une dent de mort ». Ce n’est pas un hasard : la mort fait partie de ces concepts qui frappent le plus l’imagination de l’être humain.

Parmi les autres « déclencheurs » universels d’émotions primitives, on trouve :

– La religion, pour les croyants (souvenez-vous du remède contre la fièvre : « passer entre la croix et la bannière de la paroisse »)
– Les excréments et fluides corporels, qui suscitent des réactions naturelles de dégoût – le pompon étant ceux d’animaux eux-mêmes inquiétants (« fiente de lézard ») ;
– Le sexe – d’où la force psychologique d’un remède comme le « sperme de grenouille desséché » (si si, cela existait bien).

Si vous êtes sceptique, pensez aux « jurons » de tous les jours. Croyez-vous que c’est un hasard s’ils sont tous directement liés à la religion, aux fluides corporels et au sexe ?

Absolument pas, car les jurons ont pour fonction de déclencher une décharge émotionnelle puissante… et il n’y a pas plus fort que le blasphème (Nom de Di.. !), le dégoût lié aux fluides corporels (fait chi…) et le tabou de la sexualité (pu..ain).

Évidemment, ce qui frappe l’imagination évolue aussi au fil du temps. Aujourd’hui, en Occident, la blouse blanche du médecin a vraisemblablement un effet placebo plus puissant que le balai d’une sorcière ou la danse du chaman.

Une étude récente a montré que la simple présence du médecin, assistant aux côtés de son patient à l’injection d’un anti-douleur placebo, augmentait son efficacité de 50 % ! Pas sûr que l’effet aurait été le même avec la présence d’un druide celte (quoique…). [8]

Mais il est clair que, pour l’époque, les remèdes étaient remarquablement choisis pour produire un maximum d’effet psychologique.

Ne méprisons pas les remèdes traditionnels

Bon, évidemment, la grosse différence avec l’époque médiévale et la nôtre est que, si vous avez une rage de dent, votre dentiste vous la soignera en profondeur, en réglant définitivement le problème.

Mais mettez-vous à la place d’un malade au Moyen-Age. Faute de dentiste moderne, il était déjà heureux de pouvoir soulager ses souffrances avec de puissants anti-douleurs « placebo », sans effet secondaire !

Voilà une raison supplémentaire de ne pas mépriser a priori les remèdes traditionnels, aussi étranges soient-ils.

Sources :

[1]  La pharmacie à travers les siècles – Antiquité, Moyen Age, Temps modernes, Emile Gilbert, 1886

[2] Alessandra Moro Buronzo, La conscience de la nature, Editions La Martinière

[3] Curiosités De L’Histoire Des Remèdes, Comprenant Des Recettes Employées Au Moyen Âge Dans Le Cambrésis Par Le Dr H. Coulon, édition de 1882.

[4] Antidepressant Drug Effects and Depression Severity, Jay C. Fournier et al., JAMA, January 2010,

    Comparative efficacy and tolerability of antidepressants for major depressive disorder in children and adolescents: a network meta-analysis, Dr Andrea Cipriani, PhD et al., The Lancet, June 2016

[5]  Increasing placebo responses over time in U.S. clinical trials of neuropathic pain, Tuttle AH et al., Pain. 2015 Dec

[6] Voir la revue de littérature dans The Cure : A Journey into the Science of Mind Over Body, de Jo Marchant.

[7] La pharmacie à travers les siècles – Antiquité, Moyen Age, Temps modernes, Emile Gilbert, 1886

[8] Response expectancies in placebo analgesia and their clinical relevance, Pollo A et al, Pain 2001

136 Comments

  • de Lédinghen dit :

    merci de n utiliser le nom de Dieu qu avec respect ! c est pourquoi j aimerai bien que vous enleviez le juron que tout le monde connait malheureusement .Vous m avez profondement choquée .Merci de votre diligence et de votre respect .
    bien à vous

    v de Lédinghen

  • AIN Mireille dit :

    Merci pour ces remèdes.
    J’ai passé mon enfance en languedoc avec
    L’escargot que l’on faisait baver et qu’on faisait avaler cru au malade, aux plaies séchées avec des toiles d’araignées (on laissait les araignées tisser dans les greniers), les sangsues dans des ampoules, les bouteilles d’huile avec des fleurs de lys et d’autres avec du millepertuis contre les blessues. Donc… Mias je vais vous envoyer un manuel de médecine populaire que les arhives d’Auch avaient publié en gascon et que j’ai traduit. En espérant que cela vous servira.

    • COURONNER dit :

      Bon Jour Mireille

      Votre manuel de médecine populaire m’intéresse fortement.
      Dites-moi si vous le voulez bien comment le consulter.
      Merci de votre attention.

      Michèle

  • viale dit :

    Mille mercis pour ces informations fort intéressantes. Ces lettres sont un plaisir de lecture, nous y apprenons des choses parfois surprenantes. Merci sincèrement de rendre publiques ces infos précieuses pour notre santé à tous.
    MERCI

  • Jeannine DUBERTRAND dit :

    Merci beaucoup pour ces info(s). Mais un petit problème demeure toutefois : où se procurer de la bile de vache ? (J’avoue fréquenter très peu les abattoirs, et même pour parler vrai… pas du tout !). Et, si on y arrive, quelles sont les proportions à respecter pour les divers ingrédients que vous indiquez ? Un laboratoire pharmaceutique pourrait peut-être s’emparer de la recette tant il est vrai que le staphylocoque doré fait des ravages. Toutefois il ne faudrait pas qu’il en profite pour penser d’abord à ses profits… en fixant un prix trop élevé afin que ça reste à la portée de tout un chacun et… bien sûr de la « Sécu » ! Cordialement.

  • Christine dit :

    Bonjour,
    J’aime votre magazine du fait qu’il parle de médecines complémentaires, mais là vraiment, cautionner la torture animale m’a sidérée ! je crois que nous sommes très ignorants quant-aux animaux, leur sensibilité, leurs émotions… Ils ont des capacités que nous n’avons pas, et inversement, aussi, respectons profondément tous ces êtres vivants. Amicalement.

  • POIRET Michèle dit :

    Que pensez vous de l’ALCOOL COLLOIDAL, comme suppléant des antibiotiques ?
    Personnellement cela me réussit pour beaucoup de choses

  • mathieu josy dit :

    bonjour
    un grand merci pour cet article….un autre voile se lève!!je vois pourquoi ma crème de jour « s inspire » de l escargot que certaines médecines nouvelles sont reliées directement à l urine ,au placenta etc…je vais le diffuser sans retenue!!!amicalement. Josy

  • Thielemans dit :

    Je ne crois pas à l’effet placebo.je ne l’ai jamais constaté.
    De plus,en en parlant,vous faites le jeu des adversaires des médecines naturelles,qui diront que meme les adeptes de celles ci,ne sont finalement pas certains de leur efficacité,puisqu’ils croient aux placebos.

  • Virginie dit :

    Merci pour votre article sur les remèdes médicinaux du Moyen-Age, c’était très intéressant à lire ! Je garde l’email avec joie.

  • Nadine Pagliani dit :

    Je lis toujours vos articles avec intêret.
    Celui-ci me met mal à l’aise car je suis impliquée dans la défense de la cause animale et je vous trouve bien leger quand vous évoquez la bile de vache ou les yeux d’ecrevisses… et j’en passe.
    En revanche j’ai toujours pensé que l’effet placebo est un remède très respectable dans la plupart des cas et pas seulement une simple arnaque.
    Cordialement,

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