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Si vous voyez une personne se garer sur une place handicapée et sortir de sa voiture en marchant tranquillement…

…je vous en supplie, ne la jugez pas, n’intervenez pas.

Sa maladie est peut-être invisible.

Pour Sophie Benarosh, cela a commencé alors qu’elle était cadre très dynamique d’une multinationale américaine.

Une maladie lourde, orpheline, incurable lui est tombée dessus brutalement : le « syndrome de fatigue chronique ».

Bientôt, sa vie est devenue une lutte permanente. Le simple fait de sortir de son lit était une épreuve.

Frappée d’épuisement, de douleurs et de malaises, elle a logiquement obtenu l’autorisation de garer sa voiture sur les places pour personnes handicapées.

Mais voyez ce qui peut arriver aux personnes dont la maladie ne se voit pas :

Lorsqu’elle a commencé à se garer sur l’emplacement handicapé près de chez elle, sa voiture est devenue « un véritable punching-ball : traces de coups, nombreuses rayures de clés sur la carrosserie ». [1]

Car le « problème » est qu’elle n’était pas en fauteuil roulant. Elle n’avait pas « l’air » handicapée. Un jour, après être péniblement sortie de sa voiture, un homme l’a couvert d’injures (« voleuse », « usurpatrice » !).

Et comme si cela ne suffisait pas, la police a fini par frapper à sa porte parce que des voisins « bienveillants » avaient déposé des plaintes anonymes.

« Arrêtez de penser que j’invente une souffrance ! »

Mais cet épisode, aussi révoltant soit-il, est presque anecdotique pour Sophie.

Là n’est pas sa réelle détresse, ni celle des millions de personnes qui, comme elle, souffrent de maladies invisibles comme :

– Les maladies de l’intestin ;
– Les dépressions ;
– La fibromyalgie ;
– La sclérose en plaque ;
– La polyarthrite, l’arthrose ;
– Les douleurs chroniques inexpliquées ;
– Le lupus et autres maladies auto-immunes ;
– L’endométriose ;
– Les migraines chroniques ;
– Lyme, et tant d’autres maladies encore…

Contrairement aux personnes défigurées ou handicapées physiquement, ceux qui en souffrent ne subissent pas les regards curieux, obliques ou inquiets des inconnus.

Mais – et c’est parfois bien pire – parce que leur maladie est invisible, ils doivent souvent vivre avec l’incompréhension des personnes qui leur sont les plus chères.

Sophie Bennarosh raconte l’isolement terrible qu’elle a vécu auprès de sa famille et de ses amis :

« Sur la souffrance physique et l’isolement, se greffe le sentiment de suspicion que je perçois chez chacun de mes interlocuteurs. J’ai envie de hurler « Croyez-moi ! Arrêtez de penser que j’invente une souffrance ! »

Sophie en est venue à regretter de ne pas avoir de stigmates physiques. Son apparence « intacte » la dessert.

Car nos intuitions sont formelles : être malade, c’est avoir l’air malade. C’est être couché sur un lit d’hôpital, en fauteuil roulant ou marqué dans sa chair, par un amaigrissement extrême, ou une pâleur cadavérique.

C’est instinctif. Qu’il s’agisse de votre propre sœur ou d’une personne que vous venez de rencontrer, vous aurez toujours la plus grande difficulté à imaginer qu’elle va mal, si elle se tient debout, les joues roses.

Mais voici ce qui peut se passer derrière les apparences :

« Comment lui faire comprendre qu’au moment où elle me parle, je ressens de violentes douleurs comme une multitude d’aiguilles enfoncées dans ma peau, accompagnées de brûlures musculaires et de fers de hache qui me traversent le corps. Ou des vertiges, l’impression d’avoir une très forte fièvre ou je ne sais encore quel malaise simultané. »

L’incompréhension est sans doute ce qu’il y a de plus douloureux dans les maladies invisibles.

Le pire : affronter seul la douleur et la maladie

L’être humain peut supporter les pires épreuves, y compris l’approche de la mort, s’il est entouré de chaleur, d’amour et de compréhension.

Pensez aux « poilus » dans les tranchées, il y a 100 ans. Malgré l’horreur du quotidien, une chose les faisait tenir : l’atmosphère de profonde camaraderie qui régnait entre ces « frères d’armes ». Qui se comprenaient intimement parce qu’ils vivaient la même chose.

D’où la déception et l’isolement que beaucoup d’entre eux ont ressenti à la fin de la guerre, de retour auprès de leurs proches. En apparence, ils étaient les mêmes. Mais intérieurement, ils avaient profondément changé. Leurs proches voulaient revivre leur vie « comme avant ». Eux en étaient souvent incapables. Ce qu’ils avaient vécu les avait marqués de façon indélébile. Et ils avaient le plus grand mal à l’expliquer, à faire comprendre leur état.

Les malades invisibles connaissent ce sentiment.

Mais ils doivent en plus faire face à une terrible suspicion. Et s’ils « jouaient la comédie » ? En « faisaient un peu trop pour se faire plaindre » ? Ne seraient-ils pas un peu fainéants ? Un peu « chochotte » ?

Un peu comme si vous étiez agressé, en plein jour… Vous criez au secours… mais les amis qui vous accompagnent rechignent à vous aider. Ils ne sont pas sûrs que vous soyez vraiment en danger. Ils se demandent même si vous ne l’avez pas un peu « cherché ».

Ceci, au moment où vous avez le plus besoin d’empathie et de soutien.

Mon expérience personnelle de la « maladie invisible »

J’ai personnellement souffert d’une maladie invisible.

A un niveau « modéré », fort heureusement ! Je n’ai jamais vécu l’incapacité de sortir de mon lit.

Mais j’ai subi pendant des mois, des années, un état de fragilité prolongé : l’équivalent, certains jours, d’une chute d’hormones (moi qui suis un homme !) accompagnée d’un brouillard mental handicapant.

Il m’est arrivé de passer des heures devant un ordinateur, à essayer de déchiffrer un simple texte. Je lisais les mots sans en comprendre le sens. Je mettais 30 minutes à faire une tâche qui m’en demandait 5 en temps normal.

Mais cela ne se voyait pas. Difficile pour mes proches de le comprendre.

Si j’essayais d’être positif et de ne pas parler de mon problème, ils pensaient que je n’avais aucun souci, ou semblaient l’oublier. Si j’essayais d’être honnête et d’en parler ouvertement, ils pensaient que j’étais trop obsessionnel et que c’est cela qui me rendait malade.

Au pic de mes difficultés, j’ai été contraint de me mettre à mi-temps dans mon travail – j’ai eu la chance d’avoir un employeur compréhensif.

Puis, j’ai changé beaucoup de choses dans ma vie : mon alimentation, mon activité physique, la gestion de mon stress. J’ai déménagé. J’ai pris des compléments alimentaires, essayé de multiples méthodes et thérapies. Certaines m’ont énormément aidé.

J’y reviendrai dans d’autres lettres. Si vous êtes dans cet état vous aussi, retenez simplement que des solutions naturelles existent.

Mais je voudrais m’adresser aujourd’hui à ceux qui ne sont PAS touchés.

Et leur proposer ce conseil s’ils ont, dans leur entourage, une personne dans cet état.

Ce qu’il faut éviter de dire aux personnes qui ont une maladie invisible

1. « Tu as bonne mine aujourd’hui, ça va mieux ! »

C’est maladroit car la « mine » ne reflète pas forcément les douleurs intérieures. Diriez-vous à un proche : « tu n’as pas l’air d’être en train de traverser un terrible divorce » ?

Et n’oubliez pas que, lorsque cela va vraiment mieux, c’est presque toujours un répit, et non un signe de rétablissement. Dans beaucoup de maladies chroniques, il y a une alternance entre des jours affreux et des jours meilleurs.

2. « Moi aussi je suis un peu fatigué en ce moment »

Vous ne vous rendez sans doute pas compte, mais vous êtes en train de comparer une fatigue banale avec un état qui n’a rien à voir.

Jenny Andrews, une femme de 42 ans affectée elle aussi de fatigue chronique, a donné cette image frappante : « Imaginez avoir une terrible nausée, avec des sacs de pomme de terre attachés à chacune de vos jambes, et que l’on vous demande de courir un marathon… Et cela, simplement pour atteindre les toilettes ». [2]

3. « Aurais-tu des idées noires / as-tu vraiment le moral ? »

La plupart des maladies invisibles n’ont rien à voir avec la dépression – même si c’est une maladie invisible elle-aussi.

Ceux qui souffrent de douleurs ou fatigue chronique ont généralement envie de faire mille choses… mais c’est leur état physique qui les en empêche.

Alors quand vous leur demandez s’ils « ont le moral », avec cette suspicion que le problème est dans leur tête, ils peuvent se sentir piégés.

Car non, en effet, ils n’ont pas forcément le moral. Difficile d’être positif, avec ces douleurs, cet épuisement, cette incompréhension qui les entoure. Oui, il leur arrive d’avoir envie de pleurer. De hurler parfois.

Mais c’est leur état qui leur mine le moral, et non pas la tristesse qui les met dans cet état !

Dites ceci !

Il y a une chose très simple que vous pouvez dire à quelqu’un qui souffre.

Quelque chose d’incroyablement fort et puissant.

« Je te crois »

Vous serez surpris de voir à quel point cela le ou la touchera.

Sources :

[1] Sophie Bennarosh, A la recherche de ma santé perdue, Editions du Moment, 2015

[2] ‘I’d rather have CANCER than chronic fatigue syndrome’: Woman who’s battled condition for 10 years says people with it are unfairly labelled ‘attention seekers’, article paru dans MailOnline

251 commentaires

  • crespin dit :

    Bonjour
    je viens de lire votre lettre, hélas je suis dans cette méme position tous les jours. Douleurs dans tout mon étre je fais des efforts pour de pas faire voir mes problémes.
    Bonne journée

  • Brahmi Catherine dit :

    J’ai souffert pendant des années de douleurs et fatigues chroniques
    Je souffre des jambes sans repos
    Depuis 2010, on me prescrit du siffrol ce qui me maintient en bonne santé.
    Par contre à la même époque j’ai été victime d’un trauma crânien. Un chien a sauté une clôture et comme j’étais accroupie derrière à attacher ma chienne, il ne m’a pas vu et a atterri sur ma tête.
    On n’a pas prise au sérieux et je n’ai pas été prise en charge, ni été indemnisée.
    Mon cerveau ne répondait plus et j’ai même uriner dans mon lit sans me réveiller, les dégâts étaient tels que j’ai dit adieu à mes enfants, persuadée que j’allais mourir.
    J’ai toujours des bruits permanents dans ma tête et beaucoup de fatigue intellectuelle.

  • DUMARTIN dit :

    Bonjour ,
    J’aime bien vos rubriques , et celle-ci me touche particulièrement … en effet j’ai eu un A.V.C il y a 5 ans sans vraiment de séquelles apparentes (pas de paralysie .. ) mais une ÉNORME fatigue quasi permanente et mal à la tête très vite … je « gère çà  » + ou – bien suivant les jours et je continue mes activités en aménageant le rythme ..J’en parle à mon entourage … certains me croient et me respectent .. d’autres ont un doute silencieux quand ils voient que je vais m’étendre .. et parfois dormir plusieurs fois par jour.. je suis tj obligé de choisir ce que je vais privilégier ds la journée pour etre un peu près bien pendant 2 ou 3H .. pas de cumul !!

  • Maryse COURS dit :

    Merci pour cet article. Je souffre moi aussi d’une maladie invisible, un lupus érythémateux disséminé m’a été diagnosctiqué il y a 20 ans. On met des années à comprendre ce qui vous arrive et pourquoi et comment … il passe mille et une questions en boucle. Et quand en plus vous n’avez personne à qui en parler c’est difficile. Mon compagnon de l’époque m’a un jour dit « j’ai trouvé un article intéressant sur les maladies psychosomatiques », je crois que s’il n’avait pas fait 2 fois mon poids et mesuré 20 cm de plus que moi -malgré mes douleurs articulaires (je ne pouvais plus tenir un stylo)- je l’aurai giflé. J’ai eu la chance d’avoir une période de répit de 5 ou 6 ans, mais hélas à cause d’une longue exposition au soleil -malgré chapeau, pantalons longs … mais tee-shirt en manches courtes- je l’ai réactivé, ça a commencé par une bronchite et maintenant ça ressemble à de l’asthme sans en être… J’évite d’en parler car -paraît-il- une des règles de vie c’est de ne pas se faire plaindre ni s’appesantir sur son sort. Du coup, je suis sous antidépresseurs car je me traîne lamentablement du lit à la table, de la table au canapé et du canapé au lit en culpabilisant de ne pouvoir faire mes tâches ménagères convenablement, il me faut 2 heures pour vider un lave-vaisselle !!! Et quand je vois des voisins
    ou des amis qui me demandent comment ça va, je reponds tout bonnement « ça va ! » que voulez-vous dire d’autre ? Comme il est dit dans l’article, je n’ai pas le teint blafard, je ne boîte pas, je ne suis pas en fauteuil même si parfois je suis tentée de prendre une canne pour me soutenir ! J’ai bénéficié de la carte « station debout pénible » mais je ne l’ai jamais sortie de mon sac de peur des regards foudroyants et ne l’ai pas faite renouveler. Mais aller au musée et piétiner devant des objets ou même attendre mon tour à la caisse d’un magasin sont devenus un supplice ; je transpire, je souffre du dos, des pieds et des genoux, j’ai parfois l’impression que je vais m’effondrer sur place. Du coup, le gros des courses je me fais livrer !

  • Jeanne dit :

    Bravo et Merci, on ne le répétera jamais assez.
    Les personnes concernées vous comprennent. Espérons que les autres essayeront de comprendre. Je me souviens des jours d’épuisement où mon teint blafard me permettais d’entendre « tu as bonne mine aujourd’hui! » difficiles à supporter quand on se sent faible.

  • Olivier dit :

    Bonjour Xavier,

    À la lecture de votre lettre, on comprend que ce sujet vous est familier.
    À ajouter à votre liste de maladies invisibles : le syndrome d’Hyper-sensibilité Chimique Multiple (MCS en anglais) et son « cousin », très souvent associé, celui d’Électro Hyper Sensibilité (EHS).
    Un grand merci pour votre message.
    En effet : « tout n’est pas que dans la tête » et il est douloureux de vivre avec le regard des autres nous renvoyant une image déformée de ce que nous sommes.
    C’est grâce à des interventions telles que la vôtre que notre monde changera en faisant sienne la devise du psychiatre Louis CORMAN, père de la Morphopsychologie :
    <>

    Meilleurs sentiments
    Olivier

  • MERCIER Anne-Marie dit :

    …Sans parler des terribles souffrances psychiques, dans la schizophrénie, le borderline, la maladie bipolaire…la phobie sociale…

    Je suis membre de Similes,l’équivalent de l’Unafam chez vous.

    Qui, en plus , accumulent au fil du temps, les dommages collatéraux, tels que la fatigue chronique, la fibromyalgie,dérèglements…
    peut-être Yme, dont on parle de plus en plus.
    Des personnes sensibles, intelligentes,courageuses…

    Je les côtoie, j’en ai un proche qui m’appelle tous les jours ,et dont les aides- familiales accumulent les maladresses en lui disant qu’ »on ne dirait pas que »…, j’anime des groupes de parole, fais de l’écoute téléphonique…Je connais la souffrance , l’évitement , la solitude dont ils sont coutumiers…

    Dans le livre du Dr BALLESTEROS,(autoguérison) je trouve des éléments interpellants dans le concept de « dystonie neuro-végétative »,et les médecines naturelles, qui voient la globalité de la personne.

    Mais cela est un autre sujet…

    Je diffuserai optimalement votre message …Merci.

  • Duménil dit :

    Une maladie invisible c’est pas simple. Deux c’est l’horreur. Merci pour votre article il m’a fait du bien.

  • houberdon moniquemonique.houberdon dit :

    Bonjour,
    Merci pour votre intervention. Je souhaite que des milliers de personnes vous lisent, afin qu’une saine compréhension s’établisse entre tous.
    Votre exemple redonne un élan de vigueur au système défaillant, mille mercis.
    Nous avons tous la possibilité de nous en sortir, mais il ne faut pas redouter les efforts à fournir pour arriver au but.
    La main dans la main avançons ensemble.Courage

  • Barbier maryse dit :

    Oh combien votre lettre dit vraie
    Je souffre depuis bientôt 4 ans et lorsque je me montre mes proches me disent : tu es superbe quel bonne tête tu as ….. Tu as la forme etc….
    Je ne réponds plus
    Je mets plus de deux à trois heures le matin pour pouvoir donner l’impression de marcher convenablement
    Merci pour vos conseils

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