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C’est une leçon de vie qui restera toujours gravé dans ma mémoire.

C’était en Tanzanie. Je revenais des gorges d’Olduvai, considérées comme le berceau de l’humanité… car c’est là où tout a commencé pour nous, hominidés !

Encore sous le coup de cette charge symbolique, je me dirigeai vers mon deuxième objectif de la journée : la rencontre avec les Massaï.

Les Massaï sont un des tout derniers peuples au monde à vivre selon les coutumes et traditions de leurs ancêtres – et cela, depuis des milliers d’années !

Semi-nomades, ils migrent chaque année au Kenya lorsque la saison sèche frappe la Tanzanie. Ils emmènent alors leurs troupeaux de vaches, chèvres et moutons… et, arrivés à destination, ils reconstruisent entièrement leur village.

Ce jour-là, j’ai eu la chance d’être accueilli par le fils du chef du village. Il me conduisit dans sa « maison », une sorte d’igloo fait de boue, de bouse de vache et de branchages.

Et c’est dans cet espace minuscule, au confort plus que rudimentaire, qu’il me fit cette confidence qui me laissa sans voix.

Lui, le guerrier massaï qui me faisait face, était diplômé de l’Université de Dar es Salam, la capitale économique de Tanzanie !

  • Mais, mais… lui-dis-je, n’avez-vous pas eu la tentation de rester en ville ?
  • Jamais de la vie, me sourit-il avec un enthousiasme et une sincérité désarmante. Je suis beaucoup plus heureux ici !

Cet homme avait goûté pendant plusieurs années au confort de la vie moderne… et pourtant, pour rien au monde il n’aurait renoncé à la vie massaï, rythmée par la tradition, les lois de la nature et la cadence des saisons.

Comment est-ce possible ? Qu’avait-il compris du bonheur qui m’échappait totalement ?

La réponse, je crois, est que notre vie moderne n’a pas que des bons côtés : elle comporte aussi des pièges cruels et difficiles à déjouer… sauf si l’on nous en donne les clés !

Premier piège : l’abondance

Le confort est un bienfait incontestable… mais il ne fait jamais le bonheur.

Des psychologues l’ont montré de façon frappante en étudiant des gagnants du loto : ces « heureux élus » vivent quelques mois d’euphorie… mais au bout d’un an environ, ils reviennent presque toujours à leur niveau de bonheur d’avant.


Ils ont beau avoir une grande maison, une voiture de luxe et un confort matériel incomparable avec leur vie d’avant, ils ne sont pas plus heureux. Pour une raison simple : ils s’y sont habitués.

En fait, il nous est très difficile de nous réjouir d’une source de bonheur si elle est là tous les jours. On finit par trouver cela normal et on n’y pense plus.

On oublie qu’avoir deux jambes pour marcher est une chance énorme… jusqu’au jour où l’on se fracture la cheville.

Les psychologues appellent cela « l’habituation hédonique » : c’est notre tendance à tenir pour « acquis » tout ce que nous avons.

Et sur ce point, les sociétés traditionnelles ont un avantage.

Là-bas, manger à sa faim, boire à sa soif, survivre aux caprices de la nature n’est jamais totalement garanti. Ils en retirent donc un bonheur quotidien plus profond et durable.

Voici comment l’agriculteur et écrivain Pierre Rabhi parle de la petite communauté algérienne de son enfance :

« Ici, l’existence s’éprouve d’une manière tangible. La moindre gorgée d’eau, la moindre bouchée de nourriture donne à la vie sur fond de patience toujours renouvelée, une réelle saveur. On est prompt à la satisfaction et à la gratitude dès lors que l’essentiel est assuré, comme si un jour vécu était déjà un privilège, un sursis ». [1]

Avec l’abondance, au contraire, on risque toujours de ressembler à ces enfants gâtés… qui ne réalisent pas la chance qu’ils ont… et qui n’arrêtent pas d’en réclamer davantage

Plutôt que de penser à ceux qui n’ont pas leur chance, ils trépignent de ne pas posséder ce que leurs camarades viennent d’avoir.

Voilà pourquoi la course à l’accumulation des richesses ne conduit jamais au bonheur ! Car il y aura toujours autour de nous quelqu’un de mieux loti, que l’on pourrait jalouser.

Et c’est une pente d’autant plus dramatique qu’il n’y a rien de plus précieux dans la vie d’un être humain que d’entretenir des relations saines et profondes avec ses semblables.

Deuxième piège : la solitude

Tout le monde le sait, intuitivement : le plus grand trésor qu’il nous est donné d’avoir sur cette terre, c’est l’amour et l’affection qui nous lie aux autres.

Cela a même été prouvé scientifiquement, grâce à l’incroyable « étude de Harvard », commencée en 1938 et encore poursuivie aujourd’hui. 

Depuis 80 ans, des chercheurs examinent minutieusement le parcours de vie de plus de 700 Américains diplômés à la fin des années 1930. Chaque année, ils réalisent avec eux des interviews approfondies et examinent leurs bilans de santé.

Aujourd’hui, leur conclusion est sans appel : ce qui rend heureux et en bonne santé, ce n’est ni l’argent, ni le succès… mais le fait de nouer des relations étroites, amicales ou amoureuses ! [2]

Selon le Dr Waldinger, qui a dirigé les recherches : 

« La conclusion la plus nette que nous pouvons tirer de cette étude de 75 ans est celle-ci : de bonnes relations nous maintiennent heureux et en bonne santéC’est tout. »

Le problème, malheureusement, c’est que la modernité ne nous y aide pas vraiment !

Les Massaï, eux, n’ont aucun effort à faire : de leur naissance à leur mort, ils ne sont jamais seuls. Ils jouissent d’interactions permanentes avec les membres de leur village, qui n’est autre qu’une grande famille de 150 personnes environ.

Dans nos sociétés modernes, au contraire, on peut choisir de passer toute la journée derrière un écran de télévision et d’ordinateur, sans jamais sortir de chez soi…

Or la solitude n’est pas seulement liée au malheur : elle est aussi la cause directe d’un état de santé dégradé : mort prématurée [3], déclin cognitif [4], crise cardiaque. [5]

Et malheureusement, les « amis virtuels » que nous offre la technologie (Facebook…) ne sont pas d’un grand secours. Rien ne remplace le contact face à face, yeux dans les yeux. [6]

Les nouvelles technologies sont décidément à double tranchant. Si vous n’y prenez pas garde, elles peuvent même vous entraîner dans le dernier grand piège de notre temps :

Troisième piège : la vitesse


Il suffit de passer quelques minutes au cœur d’une grande ville pour en faire l’expérience : bruits, feux rouges, voitures, passants, panneaux publicitaires, vitrines : notre état de conscience est interrompu sans arrêt par un flux ininterrompu de stimulations.

Et avec les nouvelles technologies, c’est encore pire : sonneries, SMS, emails, tweets… notre esprit est sollicité et interrompu en permanence.

Le problème est que notre cerveau n’est pas du tout fait pour cela. C’est au contraire le meilleur moyen de le faire dépérir !

Car notre bien-être dépend en grande partie de notre capacité à être attentif : c’est lorsque nous sommes réellement présents à ce que nous faisons que nous sommes le plus heureux.

Or la sur-stimulation de notre temps détraque notre attention et entraîne notre cerveau dans un tourbillon incessant. Il est incapable de fixer son attention… et en ressort lessivé !

Mais la bonne nouvelle, c’est que ce piège-là, comme les deux autres, possède son antidote !

Ils peuvent tout à fait être déjoués par des solutions simples et faciles à suivre !

Cultivez la simplicité avec ce mantra secret

Et cela commence par un maître mot, la simplicité.

Cultiver la simplicité, ou la sobriété, c’est aller à l’essentiel. Comme dans une vieille maison, il est important de faire le tri… et se débarrasser du superflu et des distractions.

C’est renoncer à l’accumulation de biens matériels dont nous n’avons pas besoin. C’est jouir des plaisirs simples de la vie en y étant pleinement présent.

Être « simple d’esprit », ce n’est pas être stupide, bien au contraire.

C’est fuir les complications et les distorsions de la vie moderne pour mieux embrasser une vie sobre, profonde et authentique.

Ce n’est pas évident, bien sûr. Comme le rappelle le Pr Kabat Zinn :

« Il est tellement facile de regarder sans voir, d’écouter sans entendre, de manger sans rien goûter, de ne pas sentir le parfum de la terre humide après une averse, et même de toucher les autres sans être conscient des émotions que l’on échange » [7] 

Heureusement, il existe des exercices pratiques qui nous aident à revenir à l’essentiel.

L’un d’entre eux est le « mantra secret », révélé par le philosophe Matthieu Ricard :

« Voici le mantra qu’un maître tibétain a recommandé. C’est le mantra le plus secret qu’on puisse imaginer, je me demande même si j’ai la permission de le partager avec vous.

Le voici : « je n’ai besoin de rien ».

Répétez-le dix fois de suite. Vous verrez, on se sent si bien ! »

Voilà le premier pas vers le bonheur : réaliser qu’on n’a pas besoin d’avoir « toujours plus » pour être heureux.

Musclez votre esprit, entraînez le à la sérénité

Mais cela ne suffit pas, évidemment.

Si on le laisse à lui-même, notre cerveau se compare, jalouse, rumine… et ce ne sont pas les sur-stimulations permanentes du monde moderne qui l’aident à se calmer !

Voilà pourquoi il est crucial de muscler notre cerveau dans la durée pour l’habituer au calme et à la satisfaction du moment présent.

Et pour y réussir, je ne connais pas meilleure pratique que la méditation en pleine conscience.

Ne soyez surtout pas intimidé par ce terme de « méditation ». C’est beaucoup plus simple et « terre à terre » qu’on ne le croit : il s’agit uniquement de s’arrêter quelques secondes ou quelques minutes dans sa journée, et de se concentrer sur l’instant présent.

Écouter votre cœur battre, sentez votre respiration, faites un « scan corporel » en essayant de ressentir chacun de nos membres (jusqu’à vos doigts de pieds).

Cela peut être éprouvant, au départ. Car il est très difficile d’empêcher notre esprit de « vagabonder » ! On est en permanence obligé de se rappeler à l’ordre (avec bienveillance) et d’en revenir à la concentration sur le moment présent.

Mais quelle récompense, lorsque vous faites l’effort !

Pas seulement pour ces moments de grâce où vous goûtez soudainement à une autre expérience du monde et de vous-même…

…mais surtout pour les effets de long terme de cette pratique pour retrouver la sérénité au quotidien.

Réduction du stress, de l’anxiété, des problèmes cardiaques, des douleurs chroniques, des troubles du sommeil… on ne compte plus les bienfaits de la méditation, prouvés scientifiquement. [8]

Mantra secret, méditation… ajoutez à cela quelques exercices de gratitude et vous serez comblé :

Soyez reconnaissant de ce que vous avez

J’ai consacré une lettre complète aux vertus thérapeutiques du sentiment de gratitude, et aux études scientifiques récentes qui en montrent les éclatants bienfaits pour notre santé.

Mais la gratitude est beaucoup plus qu’un médicament : c’est l’antidote le plus puissant de la modernité… parce qu’elle nous pousse à nous comparer à ceux qui ont moins, plutôt qu’à ceux qui ont plus.

Et c’est si simple ! Voici comment faire, si vous voulez profiter de ses bienfaits :

Dès le matin, au réveil, prenez quelques secondes pour réaliser la chance que vous avez.

Vous auriez pu vous réveiller aveugle, sourd ou paralysé… mais non, votre cœur bat tranquillement, vous respirez sans difficulté, vous avez bien vos deux jambes, vos deux bras et une tête bien faite.

Vous avez la chance d’avoir un toit au-dessus de votre tête. Vous avez l’eau courante, l’électricité à toute heure de la journée, un ordinateur qui vous permet de vous connecter à des informations passionnantes.

Vous vivez dans un pays libre. Vous avez des yeux pour admirer la beauté de ce qui nous entoure.

Maintenant, allez un cran plus loin : soyez reconnaissant de tout ceci. Dites merci. Exprimez votre gratitude.

Si vous être croyant, c’est facile : il vous suffit de remercier le Créateur. Si vous ne l’êtes pas, vous pouvez vous contenter de remercier « la vie » pour tous ses bienfaits.

Essayez de réaliser que ce qu’il y a de positif dans votre vie, vous le devez au moins en partie à quelqu’un d’autre : à vos parents qui vous ont donné la vie, et à tous ceux qui l’ont influencé, etc. Remerciez-les en pensée.

Vous êtes malade, vous souffrez, vous traversez des épreuves ? Faites tout de même l’effort de remercier la vie pour ce qu’elle vous apporte de positif. Des chercheurs ont montré que la gratitude est efficace y compris chez des victimes d’une maladie dégénérescente et incurable. [9] 

Voilà, après ces quelques secondes de gratitude, vous pouvez à présent vous lever et bien commencer la journée.

Et le soir venu, juste avant de dormir, prenez à nouveau une à deux minutes.

Cette fois, pensez (ou, mieux encore, notez dans un carnet !) à tout ce qui vous est arrivé de positif dans la journée, et exprimez votre reconnaissance à ceux qui l’ont facilité.

« Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur ; elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries », disait joliment Marcel Proust.

Et bien sûr, tout au long de la journée, pensez bien à remercier chaleureusement tous ceux qui vous rendent service. Ne considérez jamais rien comme « donné » – par exemple, n’hésitez pas à remercier votre conjoint d’avoir cuisiné… même s’il le fait depuis 30 ans !!

La magie de la gratitude est de nous lier plus étroitement aux autres. Elle nous pousse à la bienveillance envers celui qui nous a rendu service… qui se sentira d’autant plus proche de vous qu’il recevra un « merci » !

Cultivez la simplicité, la sérénité et la gratitude… et vous verrez que l’amour sera décuplé dans votre cœur et celui de votre entourage.

Et c’est bien cela, le plus important dans la vie.

Bonne santé !

Sources :

[1] Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse, Actes Sud, 2013.
[2] Qu’est ce qui fait une vie réussie ? Leçon de la plus longue étude sur le bonheur. Robert Waldinger. 2015
[3] Social Relationships and Mortality Risk: A Meta-analytic Review. Julianna Holt-Lunstad et all. Plos medicine. July 2007
[4] Effects of Social Integration on Preserving Memory Function in a Nationally Representative US Elderly Population. Karen A. Ertel et all. Am J Public Health. 2008 July.
[5] Perceived neighbourhood social cohesion and myocardial infarction. Eric S Kim et all. J Epidemiol Community Health. August 2014
[6] Why face-to-face matters in our digital contact? Susan Pinker. The Guardian, March 2015
[7] Jon Kabat-Zin, dans Se changer, changer le monde, L’Iconoclaste, 2013.
[8] Meditation Interventions for Chronic Disease Populations: A Systematic Review. Chan RR et Larson JL. J Holist Nurs. 2015 Dec
[9] Counting Blessings Versus Burdens: An Experimental Investigation of Gratitude and Subjective Well-Being in Daily Life. Robert A. Emmons et Michael E. Mc Cullough. Journal of Personality and Social Psychology. 2003

6 commentaires

  • Bonjour Mr Bazin,
    Merci pour cette simple lettre que j’ai deja lue mais son effet est resté intact pour nous ramener à l’essentiel.
    Bien à vous

  • Johanne Grenier dit :

    Merci ! J ai très apprécié

  • Michèle Thèze dit :

    Très Belle Page d humilité et de Sagesse face à l immense et magnifique Nature qui nous offre ses merveilles .
    Nous devons l admirer la respecter et la Remercier.
    Savourez les moments privilégiés où l on peut l Admirer.

  • Merci, merci, merci pour ce beau texte de votre expérience en Tanzanie avec le fils du chef Massaïe et sur la gratitude et la reconnaissance.

    La vie est simple! Et nous avons plus besoin de partager les uns les autres que tout autre chose.

    Mathieu Ricard et son mantra: “Je n’est (naît) besoin de rien” est intéressant à explorer.
    L’amour, la tendresse, la complicité, le rire, l’écoute,
    l’affection l’un envers l’autre, la générosité, la joie de vivre en communauté et être en contact avec la nature
    sont des ingrédients qui me rendent heureux.

    Je vous salut et vous remercie pour ce beau texte inspirant d’une vie meilleure.

  • Rina Quadrat dit :

    Je suis heurueuse de pouvoir vous dire que je passe ma vie (86 ans) a me dire que je suis une chanceuse et la raison est qu’a mon adolescence j’avais decide que si je vis qu’une seule fois ma vie, il faut que je la reussisse et qu’il me faut en jouir chaque jour a nouveau. Je suis d’accord avec chaque mot de votre message. Mon mari, s’il eu ete vivant aurai dit de meme (ma chance!). Nous n’avions pas d’enfants et notre vie etait pleine d’un amour profond et mes amis d’aujourd’hui sont mes amis de nos beaus jours. Jamais rien ne nous manquait, meme si l’argent n’etait que suffisant pour le minimum. Nous avons toujours dit que “le gazon de nos voisins n’etait pas plus vert que le notre”et c’est pourquoi la vie toujours nous a semble et continue a me sembler belle.

  • ROSALIE Marie-France dit :

    Le voici : « je n’ai besoin de rien ».
    Le cerveau ne prend t’il pas pour acquis le négatif comme quelque chose de positif. Est-ce que « J’ai tout ce dont j’ai besoin ; gratitude » est plus compliqué à intégrer ?
    J’ai appris que prôner « ne pas » est en fait à éviter quand nous voulons intégrer un point un fait une idée puis un état une habitude une attitude et enfin un caractère.

    Deuxième point : est-il correct de se comparer et à ceux que nous pensons être mieux ou moins loti que nous.
    Ou bien dans notre cheminement s’abstenir de nous comparer tout court est-ce davantage bénéfique pour notre santé ?
    Merci

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